Pierre-Pascal Antonini

Extrait de "Nous c'est vous"

#institutionnel #politiquedelaville

A la fin des années quatre-vingt-dix, lorsqu’il croise le chemin de MSERA, il était délégué de l’état. M. Antonini estimait qu’il y avait un décalage entre l’institution et l’habitant lambda d’un quartier, entre les dossiers de financement et la réalité de ce que les structures pensaient faire dans ces quartiers. Il lui est donc apparu intéressant de rencontrer MSERA qui, avec ces habitants, allait pouvoir lui renvoyer une image réelle de ce qu’ils faisaient, de ce qui se passait sur le terrain. Cette approche de l’habitant, en tant qu’institutionnel, lui semblait tout à fait pertinente. Il avait donc échangé avec les membres de l’association puis travaillé avec elle sur des projets dans les années 1995-2000.

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PDF du témoignage complet de Pierre-Pascal Antonini disponible.

LA PAROLE COMME VECTEUR D'UNE POLITIQUE DE LA VILLE PROCHE DE L'HABITANT

Une approche au plus près de l’habitant


Pierre-Pascal Antonini se souvient : « En tant que contractuel d’état, j’avais la chance de travailler pour une administration et d’avoir un supérieur, le préfet, qui me laissait une grande liberté opérationnelle. J’ai donc pu approcher l’habitant au plus près car ma fonction de délégué de l’Etat avait pour but de faciliter la compréhension, l’approche du sentiment de l’habitant ». Selon lui, la parole ne suffisait pas, car elle n’exprimait pas nécessairement la réalité.


« L’image était donc extrêmement intéressante car, une fois filmée, elle devenait neutre. On ne pouvait pas la couper ni la recouper à l’infini car il fallait respecter ceux qui avaient participé au projet et ceux qui avaient tourné. Cela permettait une relative objectivité ».


La parole des femmes des quartiers


« Nous nous sommes surtout adressés aux femmes des quartiers dits en difficulté, d’une culture et d’une religion totalement différentes, avec un rôle complètement différent de celui d’une européenne au sein de la famille. (...) Ça nous a obligé à accorder un grand soin dans le recueil de la parole des mères , car les interviews pouvaient être perçues comme sensibles. Une partie de l’intégration de l’homme pouvait se faire grâce à elle » explique Pierre-Pascal Antonini.


Avant de filmer, réunir les conditions pour parler


Par-delà le support filmique, il y a donc eu tout un travail réalisé en amont par MSERA et les partenaires avec ce public pour s’assurer des conditions du recueil de la parole. « Filmer ne consiste pas à simplement mettre les gens devant une caméra et à les faire s’exprimer. Il fallait tenir compte de l’environnement, (...) et ne pas s’y présenter au nom d’une puissance financière ». En clair, il fallait susciter l’échange, faire en sorte qu’il soit accepté, que les habitants acceptent d’en devenir les acteurs et de voir leur image projetée dans divers lieux, dans d’autres quartiers, dans des classes. Cela a généré aussi une prise de conscience.

Une vision en décalage avec l’institution


« Bertrand Schwartz était en avance sur son temps. Sa vision était en décalage par rapport à l’institution. Il ne faisait pas ressortir des imperfections mais s’en servait comme des outils pour progresser sur un sujet. Pour lui, les gens réunis autour de la table étaient parties prenantes d’une solution globale. »


A l’époque, tout ce qui concernait l’habitat était géré au niveau régional du point de vue administratif. Il fallait donc convaincre le SGAR que la démarche ne concernait pas que du bâtiment, mais touchait aussi les partenaires sociaux et les habitants qui allaient vivre dans les bâtiments. Il fallait concourir à la création d’un tissu social à long terme, être capable de se projeter 10 ans plus tard, anticiper les cycles de vie et les attentes des habitants. C’était le sens de la Politique de la Ville.


Une stratégie à long terme


« Il ne s’agit pas de venir avec un pouvoir décisionnaire ou financier, mais d’utiliser ce pouvoir pour rassembler des personnes en se mettant au même niveau qu’elles afin de produire une image et les écouter, dans le cadre d’une vie en société ».Pierre-Pascal Antonini conserve le souvenir d’une réunion à la MJC Mermoz vers la fin de 1999 à laquelle ont participé plus de 600 femmes des quartiers à l’initiative du sous-préfet Claude Lanvers. « Pendant 4 heures, ces personnes ont pris la parole pour échanger. Pour moi, c’était le meilleur exemple, et les outils présentés par Moderniser Sans Exclure permettaient de faciliter l’explicitation de ce qu’elles vivaient au quotidien ».


Remettre la parole au centre des échanges sociétaux


À une époque où tout évolue si vite, Pierre-Pascal Antonini estime que l’enjeu important de nos jours consisterait à redonner sa place à la parole, en plus de l’image : « L’enregistrement est le produit de la personne, de son corps, de sa gorge, de sa pensée. C’est en rendant naturelle cette prise de parole que les gens vont progresser et s’engager dans la vie de la cité. ».•