Marie Le Gall

Extrait de "Nous c'est vous"

#automédiatisation #parole #liensocial #gestionduchangement

La sociologue Marie Le Gall a croisé le chemin de Bertrand Schwartz à la fin des années 80. « Bertrand n’était pas polytechnicien pour rien, il était très structuré ». Il avait dans l’idée de rencontrer les 50 responsables des plus grandes entreprises françaises en quête de financement et 50 personnalités des médias. Le tandem soumit l’embryon de l’idée de l’association qui allait devenir Moderniser Sans Exclure.

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PDF du témoignage complet de Marie Le Gall disponible.

LE RECUEIL DE LA PAROLE NÉCESSITE BEAUCOUP DE TRAVAIL EN AMONT

« L’accueil a été très favorable du côté des chefs d’entreprise, sans doute à cause de la notoriété de Bertrand. En outre, il avait mené de nombreux travaux autour de nouvelles méthodes de formation des salariés en entreprise ».

Plutôt que d’interviewer « classiquement » Marie Le Gall, nous avons trouvé plus original de la faire réagir à ses propres propos captés en vidéo par le chercheur Mohamed Amara.

« Je suis persuadée que chacun a en lui une créativité pour faire un vrai diagnostic de leur situation et trouver des solutions. C’est également vrai pour les groupes ».

Ce n’était pas si commun de faire appel à la créativité de chacun. Je me souviens d’un travail sur la filière bois avant MSE. Les gens se montraient méfiants mais intéressés par le fait de se livrer. C’était tellement inhabituel pour eux. La parole dans l’entreprise est tout sauf libre, elle est parfois biaisée par de multiples intervenants.

« L’automédiatisation, c’était préparer les gens à tenir une parole responsable, collective, pas forcément consensuelle (...) Il fallait que ça soit comme dans la vie, avec des nuances, des doutes, des complexités, des divergences, des convergences ».

La qualité du recueil de la parole devait être la même que lors d’échanges entre des amis complices, qui se retrouveraient autour du métier et des compétences.

« Il était question d’engager un certain nombre de personnes alors passives et pas écoutées, vers un changement ».

La parole institutionnelle, c’est une pyramide avec une pointe bien ancrée vers le haut. La parole vient donc souvent, du haut vers le bas. La parole prônée par MSE était au contraire horizontale et positionnée en bas du triangle. Il s’agissait de passer à une logique de transversalité.

« Pour qu’il y ait du changement, il faut que les gens soient d’accord sur ce qui doit changer ».

Quand Bertrand intervenait dans les entreprises, il passait énormément de temps à expliquer aux dirigeants qu’ils n’étaient pas en mesure de décréter le changement. Par contre, ils devaient se débrouiller pour le faire ressentir et exprimer par les gens dont ils ont la responsabilité.

« Plutôt que de «communication sociale», mieux vaut parler de «lien». C’est plus contractuel et humain ».

Je suis très en colère contre les réseaux dits « sociaux » qui ne sont que des défouloirs. Un réseau doit être matériel, physique, humain et instrumental. Recréer du lien social post-confinement va représenter un gros problème pour les DRH en entreprises.

« L’écoute est l’outil du changement ».

Cela fait écho à ce qui a été écrit dans le livre-manifeste « Moderniser sans exclure » publié à La Découverte en 1997. Prenons l’exemple de personnes exclues du travail : leur réinsertion ne peut se faire que si leur savoir, leur expérience, leurs difficultés, leur désespoir et leurs espoirs ont la possibilité d’être montrés, écoutés, considérés et respectés. Il fallait écouter VRAIMENT pour approcher une réalité multiforme, qui dépend d’un contexte personnel, culturel et social. Il faut trouver un consensus et toutes les actions de MSE ont été fondées sur ce principe. Il était hors de question de filmer et d’entendre une langue de bois, ni quelqu’un s’exprimer à la place des autres.

« L’automédiatisation, (...) ce n’est pas une méthode, mais une prothèse pour le dialogue ».

La parole doit venir du « dedans », même si le rôle des animateurs a parfois été de rappeler certaines règles.

« On peut avoir une parole un peu tranquille, pour exprimer correctement comment on voit des choses ».

Prendre le temps, c’est devenu un luxe. Nous n’avions pas peur du silence. On attendait tout doucement que quelqu’un prenne la parole. Il ne s’agissait pas de provoquer ni d’induire des propos, mais de les attendre.

« A quoi servent les moyens, les technologies, si l’homme ne se les approprie pas pour améliorer son environnement ? ».

Tout doit aller vite désormais, on vise l’efficacité pure, on veut de la qualité mais cela reste superficiel. Penser détenir les solutions et les appliquer à la place des autres, c’est empoisonnant !

Il existe un fossé entre les « sachants » et la façon dont les personnes envisagent elles-mêmes leurs problématiques. C’est ce que les films permettent de révéler, en faisant fi des préjugés et en suscitant la confiance. Ça me semble toujours d’actualité. Or, il faut beaucoup de travail en amont pour susciter le recueil de cette parole. Le travail de MSE n’est pas confortable mais reste tout à fait pertinent et je m’en réjouis.