Fabrice Lamy

La formation comme socle de base

En novembre 1994 Fabrice Lamy a eu l’occasion d’être l’un des fondateurs de « Emplois pour le Rhône » (EPR), l’association à laquelle revenait la responsabilité d’employer les AMIS via des contrats aidés par l’Etat. Tous les AMIS embauchés par EPR ont été formés en profondeur par des spécialistes nationaux à l’accueil des voyageurs et à la prévention des conflits. Leur méthode d’action fondée sur le dialogue n’était pas toujours comprise sur le réseau TCL par ceux qui ne croyaient qu’en la répression. De ce fait, la relation avec des conducteurs fut parfois délicate.

Dépasser les préjugés

Le Conseil Général avait mis Fabrice Lamy en relation avec des organismes de formation. L’institution l’a également aiguillé vers une association susceptible de nouer un dialogue entre ces populations : Moderniser Sans Exclure Rhône-Alpes. « L’association nous a montré l’intérêt de l’écoute et du recueil d’une parole responsable de la part d’acteurs d’origine et de logique différentes ». Le Conseil Général a accepté de financer la réalisation par MSERA d’un film qui permettrait de construire une dynamique collective qui dépasserait les préjugés.

Appartenance, reconnaissance, encadrement

Le film réalisé avec ce groupe des premiers AMIS a été présenté à un groupe de conducteurs et de responsables de l’entreprise Keolis. Cette démarche a donné lieu à la construction d’une réponse filmée aux problèmes soulevés, témoignage d’un engagement de leur part. Il s’agissait aussi d’apporter de l’encadrement aux AMIS. Il fallait aussi permettre aux AMIS de développer eux-mêmes une parole responsable. Leur besoin de reconnaissance était immense.

« Le fait d’avoir donné la parole aux uns et aux autres a naturellement fait baisser la tension. Le film a été utilisé dans plusieurs endroits. L’objectif de détendre l’atmosphère entre les AMIS et le personnel Keolis a été atteint, au point que, rapidement, les conducteurs en sont venus à réclamer la présence d’AMIS dans leurs bus » raconte Fabrice Lamy.

La pertinence et l'impact du support filmique

Les acteurs se sont transformés d’eux-mêmes, en passant d’une revendication brute à l’élaboration d’un discours structuré leur donnant une chance de pouvoir être entendus. Un phénomène inattendu s’est même produit : plutôt qu’un exposé convenu de l’entreprise, ce sont les paroles responsables du film qui ont servi à présenter très concrètement les missions et les contraintes du nouveau métier d’AMIS, aux responsables fonctionnels en charge de présélectionner des candidats.

Cela a bouleversé certaines idées reçues : il s’agissait de permettre à des personnes capables, par la formation, de se sentir responsables et investies et développer une parole civique dans le cadre d’un métier d’accueil. D’une certaine manière, nous avons mis en lumière, à travers ces films, des sujets de gestion du changement et de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE). Par la suite, j’ai été amené à diffuser le dispositif des AMIS au sein du groupe Keolis. L’enjeu en recrutement et en formation était énorme. Tous les conducteurs et contrôleurs ont été formés à l’accueil et à la résolution de conflits, et nous avons pu constater une baisse de 70% des accidents de travail liés aux conflits.

Enfin, vers 2006, j’ai été amené à réutiliser le même mode d’expression filmée pour faire dialoguer des AMIS en fin de contrat et des conducteurs de Keolis ayant accepté d’être leurs parrains. J’avais pu constater que le canal du film était aussi valorisant pour les AMIS que pour les conducteurs qui, au final, sont tous unis et acteurs au sein d’une démarche. Quoi de plus gratifiant que de voir leur parole et leur image conservées ?